« Een, twee, drie, vier, vifg, zes, zeven... » Le jeune blond comptait les valises des Naaktgeboren. C'était le grand jour, le dernier en terre hollandaise. Hendrik ne savait pas trop de quelle façon il était censé se sentir. Il adorait les Pays-Bas, mais la perspective d'aller vivre aux États-Unis l'excitait. Il n'avait jamais mis pied en territoire américain et tous les cours et les témoignages de ses camarades allaient enfin se concrétiser devant ses yeux. Cependant, il y avait un petit quelque chose dans l'air qui le remplissait de nostalgie. L'aéroport d'Amsterdam-Schiphol lui donnait l'impression d'être suspendu au beau milieu d'un état stérile, qui n'avait rien à faire avec sa patrie. Certes, on trouvait des panneaux avec des écrites en néerlandais et des objets typiques, comme les boutiques de fleurs, mais Hendrik ne se sentait pas chez lui. Les langues parlées et les annonces robotiques qui rythmaient la vie des employés de l'aéroport ne ressemblaient pas aux maisons de briques et les canaux de Hoorn. Pendant un instant, il se demanda comment faisaient les personnes qui devaient voler d'aéroport à aéroport toute la journée. Comment faire pour supporter cette atmosphère irréelle toute la vie? Comment faire pour vivre sans profiter de la vie offerte par l'étranger? Comment... Une petite musique bien joyeuse interrompit les pensées du jeune blond, qui fût attiré par les quelques notes qui sortaient d'une marimba, jouée par une personne à la peau mate. Le banjo de Hendrik se trouvait dans un coin obscur de la soute du Boeing Amsterdam-San Francisco, chose qui ne pouvait que l'attrister. L'instrument du néerlandais était un peu comme son bébé, son petit trésor qu'il gardait précieusement, et le savoir écrasé par des valises remplies de vulgarités d'un inconnu ne l'enchantait pas trop.

« De check-in voor de KLM-vlucht 0605 richting San Francisco Intl. binnenkort van start gaat. » Les yeux bleus de Hendrik se posèrent sur les tickets. Son père se tenait à côté de lui, tout comme sa sœur, alors que ses deux frères attendaient avec eux. Madame Naaktgeboren était allée aux toilettes vite-fait, en attendant que le check-in commence. Les au-revoir étaient en train de commencer, ses deux frères plus grand devant rester aux Pays-Bas pour leurs études. Le père de Hendrik serrait ses fils dans ses bras, ses yeux brillant de larmes refoulées. Il ressentait une boule grandir dans sa gorge. Il n'avait jamais quitté ses frères trop longtemps, et il n'avait pas envie qu'ils passent leurs jours dans une petite pièce sombre à réviser encore et encore, sans leur famille à côté. Certes, ils avaient dépassé la vingtaine, ce qui faisait d'eux des adultes, mais Hendrik ne voulait pas les quitter trop longtemps. Une fois son tour arrivé, il se fit une petite place entre les bras de ses deux frères, en espérant pouvoir se créer une boule dans laquelle se cacher et attendre que le monde se termine. Ses frères étaient comme des modèles pour le jeune blond. Ils l'avaient aidé tout au long de son enfance. Ils étaient l'Exemple avec un grand E pour lui. Hendrik aurait aimé que ce câlin ne se termine jamais, qu'il puisse s'étirer et durer pour toujours, mais il dût lâcher ses frères. Une fois sa mère passée par la case au-revoir, le joyeux crissement des routes des valises de la famille recommença, la voix robotique et déshumanisée continuant à envoyer les pigeons d'un côté et de l'autre de ce panier d'acier et de verre.

« Hendrik Theodoor Naaktgeboren, zetel 54A. » Exécutant les ordres impartis par son ticket, le jeune blond alla s'asseoir à sa place. Celle-ci se trouvait dans le troisième bloc de sièges de l'Economy Class du Jumbo Jet, autrement dit la dernière. Hendrik se trouvait séparé de ses parents et de sa sœur, mais ça ne le dérangeait pas plus que ça, surtout en sachant qu'ils étaient dans la rangée juste derrière la sienne. Les yeux bleutés du néerlandais essayaient de capturer le plus de détails possibles de l'avion et du paysage qu'il allait bientôt quitter. « Welkom aan boord van de KLM-vlucht 0605 … » En entendant la voix de l’hôtesse résonner dans la cabine, il attacha sa ceinture, avant de retourner à observer le sol. Les roues commencèrent à bouger, et le bruit des moteurs fit son apparition. Hendrik vit le béton de la piste défiler de plus en plus rapidement, jusqu'à qu'il disparaisse de la vue de son hublot. La terre s'éloignait en même temps que l'oiseau bleu et blanc hollandais. Le jeune blond se sentit envahir par un sentiment de nostalgie en regardant l'eau engloutir la terre de ses aïeux. Il n'y avait plus de canaux ici. Les immensités de l'océan étaient devant eux. Vaarwel Nederland.